Un rapport du CGAER confirme l'échec de la biomasse forestière et le succès des filières locales
La politique énergétique ciblée sur des grosses centrales à biomasse ne marche pas. Sur les quatre appels à projets lancés par la commission de régulation de l'énergie (CRE), un tiers des projets retenus a été abandonné et la capacité finalement installée en 2012 serait de 180 mégawatts électriques (MWe), soit à peine plus de 10 % de la capacité totale planifiée. Le rapport du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) qui publie ces chiffres demande que cette politique nationale de gros projets soit impérativement revue. Car, outre son inefficacité, elle déstabilise la filière bois-énergie en France.
Deuxième énergie renouvelable après l'hydraulique, le bois représente 7% de l'énergie primaire consommée en France. Et les objectifs nationaux en termes d'énergie renouvelable voudraient passer à 10% lors de la prochaine décennie. Le constat partagé que les forêts françaises sont sous-exploitées a ainsi nourri l'ambition de faire du mégawatt avec du bois, sans regarder de plus près l'organisation de la filière. Or les gros projets n'ont pas été capables de créer une offre de bois supplémentaire.
Des projets trop importants, déconnectés des capacités de mobilisation locale
Sur la douzaine de millions de m3 (Mm3) de bois supplémentaire planifiée par le Grenelle de l'environnement d'ici 2012, moins de 1 Mm3 supplémentaire a pu être mobilisé. Ce décalage s'explique notamment par la difficulté d'accès à la ressource, disséminée parmi une multitude de propriétaires forestiers, et par le prix. Lorsque le marché du bois-énergie était basé sur des co-produits, comme la sciure, la ressource était à des coûts faibles. Mais à partir du moment où les projets ont mobilisé du bois en forêt, l'industrie s'est heurtée à des prix de revient très élevés. Le rapport du CGAAER souligne par ailleurs que la forte concurrence sur les co-produits du bois a considérablement renchéri leur prix. D'autant que l'activité de sciage, qui fournit déchets et chutes de bois, diminue en France, en raison d'une délocalisation des activités vers l'Europe centrale et vers l'Asie.
En conséquence, les projets de centrales qui aboutissent créent une pression supplémentaire sur des ressources déjà exploitées. Les cellules biomasse régionales, chargées par l'état d'arbitrer l'utilisation de la ressource en cas de tension, constatent en effet des projets trop importants, déconnectés des capacités de mobilisation locale. Comme à Pierrelatte et Laveyron où deux projets de centrales consommeraient respectivement 150 000 t et 200 000 t de bois par an, le risque est de voir un impact grave : surexploitations des milieux forestiers, coupes rases, puis transport et importation massive de bois. Des grosses unités finissent par s'installer et face au manque de ressource, un autre scénario est envisagé : importer du bois à bas prix.
La supériorité d'une production d'énergie décentralisée
Face à cette situation, le succès des filières bois-énergie locales est confirmé. « Le bois à vocation énergétique, issu d'éclaircies forestières, de déchets de coupes ou de scierie, est très dépendant du contexte local pour sa production », souligne la mission du CGAAER.
Des filières locales de bois-énergie font leurs preuves depuis les années 1980. D'abord expérimentales, ces initiatives ont progressivement été soutenues par les collectivités locales, puis par des politiques nationales. Entre 2009 et 2011, le fonds chaleur géré par l'Ademe a ainsi permis de lancer 357 petites et moyennes installations pour une capacité énergétique de 942,5 MW.
Initié par la Fédération nationale des Commmunes forestières de 2007 à 2012, le programme 1000 chaufferies, véritable outil de développement local, a permis l'installation de 550 structures portées par les collectivités territoriales. Ce programme ambitieux et citoyen a permis de soutenir l'économie locale, les emplois de proximité et la valorisation de la ressource en bois ( en savoir plus)
Une autre limite des grandes centrales de co-génération est qu'elles ne savent pas quoi faire de la chaleur. La mission du CGAAER s'interroge ainsi « sur la réalité de la valorisation de la chaleur co-générée » avec l'électricité.
Dans leurs conclusions, les experts missionnés par le CGAAER appellent à un renversement de logique. Plutôt que de chercher à faire du KW, la politique bois-énergie devrait redynamiser la filière bois, puis s'assurer de la valorisation de la chaleur, et, en bout de chaîne, produire éventuellement de l'électricité. Articuler localement la production aux ressources et aux besoins, la transition énergétique n'est plus loin.
Télécharger le rapport du CGAAER sur les usages non-alimentaires de la biomasse - Tome 1