Texte du discours de M. Jean-Claude Monin - 27 mai 2005
Monsieur le Président de la Région PACA,
Monsieur le Vice-Président représentant le président du Conseil général,
Mes chers amis André WERPIN, Président de l'Union régionale des communes forestières, et Gaston FRANCO, Président des communes forestières de ce département,
je crois que pour ce qui me revient dans ce partenariat avec Yann GAILLARD c'est peut-être au cours de cette assemblée générale de poser quelques questions. J'espère que les réponses viendront ensuite, mais il me semble que les problèmes posés et l'évolution actuelle socio-économique pour la forêt et l'espace naturel nous obligent à nous interroger. Je suis d'autant plus heureux de le faire aujourd'hui que nous avons parmi nous des représentants de l'Etat à la tribune et dans la salle, ainsi que deux vice-présidents du département des Alpes-Maritimes et le président du Conseil régional de PACA, donc des représentants des collectivités territoriales et de l'Etat pour poser le problème de la gestion et de l'avenir de la forêt et de l'espace naturel.
Je le ferai en quatre points si vous le permettez.
- D'abord la commercialisation, le Président a pu en parler tout à l'heure, mais liée à la situation actuelle et aux positions de la COFOR.
- Ensuite cela me permettra peut-être, et cela nous permettra je l'espère de poser une question très simple : comment peut-on continuer dans cette situation ? Est-ce qu'on va assister à une recentralisation ou à une nouvelle dynamique de la forêt communale ?
- Le point sur le bois-énergie mais aussi sur la filière forêt bois m'apparaît important.
- Enfin en conclusion et au risque de me répéter par rapport à hier, les problèmes d'avenir du 21ème siècle pour la forêt et l'espace naturel.
Je suis aussi très heureux de le faire avec Pierre-Olivier DREGE Directeur général de l'Office National des Forêts, car c'est vrai que pour la politique forestière et nationale et pour ce qui concerne les communes, notre maître d'oeuvre et notre partenaire est l'Office National des Forêts.
La commercialisation : vous avez bien compris, mes chers collègues, que nous ne pourrons pas continuer comme avant en vendant en vrac et aux enchères descendantes. Je crois qu'aujourd'hui nous avons des industriels qui ont besoin d'un produit bien ciblé et de faire en sorte qu'ils soient compétitifs sur l'outil proprement dit de transformation et la commercialisation après bien entendu avoir fait des produits ou des sous-produits intéressant la demande et le client.
La vente donc par produit est importante. Il faut changer les modes de vente, on a déjà commencé, Monsieur le Directeur général, ce n'est pas si facile que cela, c'est-à-dire qu'aujourd'hui la loi nous permet de vendre de gré à gré (à égalité avec les ventes traditionnelles publiques) et de faire des contrats d'approvisionnement. Ce sont des changements fondamentaux qui nous sont aujourd'hui présentés et que l'on doit mettre en ?uvre avec l'Office National des Forêts.
Mais tout cela se situe dans un contexte difficile ; il y a le problème des cours du bois, le vice-président GINESY l'a expliqué tout à l'heure, cette baisse continue et donc il faut une commercialisation dynamique, le président l'a dit tout à l'heure. Actuellement, il y a peut-être une embellie, c'est important de le signaler en ce début d'année 2005 ; mais au cours de ces dernières années, il faut le dire très clairement, les clignotants étaient au rouge. C'est vrai que de perdre 100 millions d'Euros sur 265 millions d'Euros, ce n'est pas rien et qu'en fin de compte, lorsque les communes forestières aujourd'hui établissent leur budget, c'est quelque chose qui pèse ! De plus, c'est le président GENESY qui l'a dit tout à l'heure, il y a une baisse du cours des bois et nous sommes arrivés à une baisse telle qu'après la tempête en 2000, en 2004 nous étions revenus au prix unitaire d'après tempête.
Au niveau de la tempête, on sait que par tradition il y a une remontée progressive des cours, eh bien, ce n'est pas vrai aujourd'hui et nous devons nous interroger sur le pourquoi. Cela nous apparaît pour les communes forestières, d'autant plus important que la balance commerciale du bois et de la forêt régresse ; on a eu en termes de grume et de sciage une progression de plus 3 % des importations l'année dernière. Ce qui est difficile à accepter, c'est qu'on a un marché de la construction qui se développe en France et qu'on n'en bénéficie pas, non seulement sur les prix et parfois sur les volumes. Donc cette situation est importante, il faut non seulement l'analyser mais trouver des solutions pour inverser la tendance actuelle.
J'ajoute quelque chose, indépendamment des recettes dues au marché du bois et nos ventes de bois, dans le même temps, je crois que Yann GAILLARD l'a dit tout à l'heure, l'Administration française a aussi sur le plan du vocabulaire un certain nombre de susceptibilités puisque, avec le régime forestier, la forêt communale était antérieurement une forêt « soumise» et aujourd'hui elle est une forêt « bénéficiaire ».
En même temps qu'il y a ce problème de baisse de nos recettes de bois, on est curieusement « bénéficiaire » : avec la suppression du FFN, c'est moins 60 millions d'Euros ; il faut payer le PEFC, c'est 68 000 Euros ; l'interprofession on est d'accord et Yann GAILLARD a eu raison de le dire : l'aval doit payer comme les autres. Ce n'est pas normal d'avoir une interprofession croupion où plus de la moitié des professionnels ne participerait pas, il faudra sortir 600 000 Euros. On est d'accord et on est partenaire avec l'Office National des Forêts : nous nous réjouissons que l'ONF rétablisse ses comptes mais cela pèse aussi sur les budgets des communes. Donc il faut dire les choses telles qu'elles sont, aujourd'hui nous devons analyser cette situation des charges pour les communes qui ne font qu'augmenter, et je ne parle pas bien entendu de tout ce que nous demandent nos concitoyens dans la multifonctionnalité qui s'inscrit dans le budget des communes. Voilà la situation qui est la nôtre et qu'il faut essayer de juguler.
Le financement aujourd'hui est difficile pour les communes, nous étions peut-être des communes riches mais c'est derrière nous ; aujourd'hui, c'est la fiscalité qui prend le relais dans les débats. Je crois que nous avons une évolution forte qu'il faut analyser, c'est la participation des collectivités territoriales, les régions et départements, sur le financement des politiques avec les communes bien sûr qui sont propriétaires et qui sont aussi les outils de coordination et d'animation de la politique territoriale sur le plan local de nos massifs. La montée en puissance qui concerne les collectivités territoriales dans le financement est importante et il faut travailler avec elles : les deux exposés précédents du Président de la Région et du représentant du Président du département des Alpes-Maritimes sont suffisamment significatifs pour montrer tout l'intérêt de réfléchir à cette évolution. Donc on demande sur cette situation qu'il y ait un observatoire économique pour la forêt publique et le marché du bois et, Yann GAILLARD en a parlé tout à l'heure, qu'il y ait des modalités pour mettre en place des nouveaux modes de vente de bois et que soit aussi organisé un nouveau partenariat entre l'ONF et nous-mêmes sur deux sujets importants : les ventes de bois, la commercialisation et les politiques territoriales. J'en ai déjà personnellement parlé avec le président de notre fédération, avec le directeur général : avec l'évolution des politiques territoriales, avec la décentralisation qui a fait ses effets, avec le changement des modes de vente, c'est vrai qu'aujourd'hui un propriétaire, s'il vend au gré à gré et qu'il passe un contrat avec un industriel, ce contrat-là ne peut pas être mandaté totalement comme lorsqu'il s'agissait de vente publique. Le propriétaire, les décideurs que sont les collectivités locales, les communes en particulier, doivent participer à la décision, je dirai même qu'ils doivent avoir la décision. Les politiques territoriales menées par les communes, organisées soit sur le plan intercommunal, soit d'une façon individuelle, sont aussi de la responsabilité et de la compétence des communes et je crois qu'il faut trouver les voies et moyens d'une évolution entre nous. C'est ce que j'ai indiqué tout à l'heure en me posant la question : « Est-ce qu'on va vers une recentralisation ? » Donne-t-on d'une façon systématique la compétence et la responsabilité à cet outil performant qu'est l'Office National des Forêts, ou bien le rôle et la place des collectivités locales doivent-ils être de nouveau redéfinis pour ces deux domaines que sont la commercialisation et la politique territoriale ? La question est ouverte et je crois qu'on n'a pas de solution tout de suite et toute faite, les choses seraient trop faciles, il faut qu'on en parle avec l'Office National des Forêts.
Nous avons l'échéance du congrès 2006 qui doit avoir lieu dans les Vosges à Epinal ; on avait fait les assises de la forêt communale, pourquoi ne pas se donner le temps de réfléchir ? Mais il n'est pas possible de laisser filer les affaires tant que sur ces questions fondamentales nous n'avons pas répondu et que notre fédération n'a pas une position qui soit votre position, qu'on vous interroge et qu'en fin de compte, au niveau d'un congrès, on soit capable collectivement de décider de notre politique dans ce domaine.
Je reviens sur le bois-énergie : les orateurs précédents l'ont fait tout à l'heure en disant pour ce qui concerne le bois-énergie que c'est un véritable choix de société mais aussi un choix politique, économique et social. C'est un enjeu fort, un enjeu fort de développement durable et d'aménagement du territoire et je vais m'en expliquer.
Le premier constat, c'est que nous avons eu dans les années précédentes un développement progressif du bois-énergie, avec les associations qu'il faut remercier aujourd'hui parce que la période n'était pas facile pour parler du bois-énergieet de l'énergie renouvelable. Ils ont fait leurs preuves mais aujourd'hui, avec le développement dans chacun de nos départements et particulièrement avec la multiplication d'un certain nombre de projets, il faut franchir une étape décisive. Il faut effectivement qu'il y ait une véritable filière forêt-bois en France qui n'existe pas. En revanche, des initiatives ont été prises et nous pouvons être inquiets, je l'ai dit devant le ministre hier, qu'il y ait deux types de filière : la filière industrielle avec l'appel d'offres qu'a fait le ministère de l'Industrie qui effectivement pour ce qui concerne la cogénération est de l'ordre de 20, 30 Mw pour chaque unité, et enfin celle qui nous intéresse, celle du local, c'est-à-dire de l'énergie qui soit la plus proche de la production de nos massifs et qui concerne les communes mais aussi tout un chacun, les habitants de ces secteurs. Donc il est nécessaire que l'on défende fortement cette filière du local qui m'apparaît importante et pour les communes, vous le savez bien, les réseaux de chaleur sont entre 100 Kw et 1 Mw. Je voudrais signaler quelque chose d'important et d'avenir : (nom à vérifier) qui est une entreprise, qui fabrique des chaudières, est en train d'étudier et d'expérimenter une chaudière qui ferait 500 Kw de chaleur et qui permettrait en cogénération de faire un, deux, trois Mw. On imagine ici quand même quelque chose d'important pour telle ou telle région où l'on pourrait imaginer (et je suis sûr que cette expérimentation va réussir) d'avoir une quasi autonomie énergétique dans certaines zones rurales avec l'approvisionnement de l'énergie renouvelable de leur forêt.
Ceci m'apparaît très important et on souhaite effectivement que l'on soit traité de la même façon, que ce soit pour la filière industrielle ou pour la filière du local. Je sais que sur votre facture EDF, il y aura une petite ligne supplémentaire pour les industriels, il n'y a aucune raison qu'on ne puisse pas bénéficier de cette même disposition qui permette d'avoir suffisamment d'argent pour rémunérer le Kw qu'on va payer à certains investisseurs importants.
Mais je dirai que ce qui m'apparaît le plus important aujourd'hui, c'est que notre fédération des communes forestières défende cette filière pour plusieurs raisons. Je voudrais les développer devant vous.
- La première chose, c'est que le bois-énergie et la filière plaquettes ne sert pas uniquement à l'énergie mais c'est un moyen aussi de relancer la filière bois d'?uvre. Si on est capable de valoriser l'ensemble de l'arbre et qu'en fin de compte on puisse avec la plaquette valoriser une partie de plus, on peut billonner et mieux approvisionner la première transformation ; c'est aussi un outil qui nous permettra avec la filière du local, avec la plaquette, de relancer la filière bois d'?uvre dans nos régions.
- Le deuxième point, vous le connaissez, on en a beaucoup parlé, c'est le bilan énergétique qui contribue à l'effet de serre. Nous sommes tous des concitoyens et beaucoup ont parlé du protocole de KYOTO, je crois que c'est important de pouvoir y participer et c'est vrai que le bilan énergétique, si on consomme la plaquette le plus près possible du massif, sera vraisemblablement meilleur que si on fait circuler des semi-remorques dans toute la France et dans tous les sens. C'est aussi un élément important.
Devant les responsables territoriaux aujourd'hui, ce qui m'apparaît encore plus important ce sont deux mots auxquels je tiens : c'est la relocalisation et l'auto-développement. Cela veut dire que si effectivement on est capable de faire une filière du local, et de valoriser cette matière première disponible le plus près possible de nos massifs, on recrée de l'activité dans ces régions, on recrée un auto-développement et nous redonnons le moral, il faut le dire, à des zones rurales où les activités ne sont pas nombreuses et où on a beaucoup de difficultés à en trouver de nouvelles. Il m'apparaît important de pouvoir le faire et dire aussi que la filière industrielle, quand même maintenant, ne pourra être alimentée que si on mobilise le bois ; si on fait de la plaquette forestière, si les détendeurs de la matière première ne sont pas directement intéressés par ce dispositif, eh bien il n'y aura pas de plaquettes forestières pour l'industrie.
Donc il ne faut pas mettre la charrue avant les b?ufs, commençons déjà à construire une filière du local au bénéfice aussi d'une filière qui concerne l'industrie. Tout cela est d'autant plus important qu'il y a des perspectives d'avenir, il y a des plates-formes pour les biocarburants qui seront aussi proches des massifs et pourquoi pas l'hydrogène demain ? On n'est pas dans quelque chose de figé mais dans une filière d'avenir qui, je l'ai dit d'entrée de jeu, peut relancer la filière bois d'?uvre. Ce sera ma conclusion sur cette première affaire : nous avons la possibilité de faire en sorte de concilier les deux filières pour n'en faire qu'une seule si on est capable de s'organiser et si on est capable bien entendu d'avoir les moyens d'accompagnement nécessaires.
Je conclurai sur un problème d'avenir qui concerne le problème de modernité, de relocalisation, c'est ce que j'ai indiqué tout à l'heure, parce qu'effectivement aujourd'hui la forêt et le bois c'est un matériau d'avenir. C'est un matériau d'avenir pour bien des raisons : d'abord la multifonctionnalité d'hier ne peut plus être payée par le bois, il faudra trouver certains dispositifs qui permettent que les choses soient très directement rémunérées mais enfin je l'ai indiqué, les biocarburants et l'hydrogène sont pour demain et après-demain. Il est vrai que pour nos concitoyens urbains, la forêt est encore un lieu naturel où ils vont se ressourcer mais c'est un lieu de biodiversité, un lieu intéressant de tourisme et d'accueil du public. Bien entendu aussi, le bois est très important pour l'habitat moderne pour nos concitoyens. Voilà ce qui m'apparaît, mes chers concitoyens, une piste importante d'avenir. Merci.